Chemise # 6 : comme un nouveau souffle, Murmure

Les vrais silences ne sont  pas prémédités, ils sont immédiats, animés par le manque et l’absence qui essoufflent la parole et le geste. Il n’y a que les roulis et le crachin manchot, les cieux gris et les  crête des eaux tendres et salées qui se cognent sur mes pieds pour reprendre souffle.

La rentrée est arrivée après une pause marine. Je reviens vous écrire avec beaucoup de joie, échappée de la torpeur et de l’ennui. Aux premiers jours de l’été, j’avais perdu l’envie et la force de coudre. J’avais chaud et tandis que je disais au revoir à ma grand-mère, il me fallait accueillir un nouveau souffle dans mon ventre. Je vous annonce cette grossesse comme je peux : en écrivant ces lignes, je pense aux autres, à celles et ceux qui attendent, à celles et ceux qui se sont trop souvent réjoui et qui ont vu leurs espérances s’effondrer tant et tant. Je pense aussi à cette période intime dont un jour on ne peut plus cacher au monde les rondeurs. Je vous l’annonce avec joie mais je ne sais pas quoi dire d’autre à ce sujet.

…Quoi que, d’un point de vue couturesque, j’aurais sûrement l’occasion de m’étendre entre la layette et les tenues de maternité. Ne perdons, du reste, pas une minute : cette chemise aime comme murmure, ce nouveau souffle, c’est justement le premier patron modifié pour tenir compte d’un arrondissement. C’est aussi le premier projet que j’ai réussi à achever depuis trois mois….

Parmi les patrons de laa jolie collection sortie par Aime comme Marie à l’été, ce n’est pas celui vers lequel je me serai dirigée en temps « normal ». Sur le papier, la ligne de Murmure me plaît beaucoup mais j’ai fini par apprendre que les formes lâches et amples ne sont pas forcément celles qui mettent ma morphologie en valeur…j’avais eu l’occasion de relire les explications de l’ensemble des patrons, de faire des premières versions pour beaucoup d’entre eux, mais j’avais laissé de côté Murmure parce que j’avais peur que cette coupe fonctionne mal sur une morphologie  forte poitrine/taille fine. Le côté forte poitrine me donnant rapidement l’air d’une montgolfière mal dégrossie, j’étais un peu inquiète. L’entrée dans le quatrième mois de grossesse a légèrement changé ma morphologie et ma vision des coupes amples. Du côté de la forte poitrine, soyons honnêtes, les choses ont dramatiquement empiré…..mais je forme l’espoir qu’un ventre arrondi équilibre bientôt ma silhouette et je souhaite me coudre des vêtements que je puisse porter quelques mois encore.

Je ne voudrais pas vous induire en erreur, Aime comme Murmure n’est pas un patron de grossesse : c’est juste un patron qui, à mon sens, va mieux aux filles à poitrine « proportionnée ». Il a un côté androgyne, masculin/féminin charmant, et je n’ai qu’un regret : ne pas pouvoir porter ce type de chemises systématiquement.

Si j’avais bien fait les choses, j’aurais procédé à un ajustement de poitrine. La manipulation n’est pas compliquée (je vous ai même préparé un tutoriel pour les patrons sans pinces que je compte bien publier dans la semaine)….mais la couture m’a été si difficile ces derniers temps que j’ai voulu faire au plus simple et que j’ai abandonné mon exigence habituelle en matière de finitions et d’ajustement poitrinaire.

À cause de mon manque d’exigence envers moi-même, la ligne d’épaule remonte légèrement vers l’arrière : ce n’aurait pas été le cas, si j’avais fait la manipulation simple que me demandait un ajustement….mais très franchement, je m’en fiche. Je trouve que ce n’est pas choquant et j’aime bien ma chemise : le reste, littérature!

 Au chapitre des imperfections, le col n’est franchement pas mon plus réussi. Je ne sais pas ce que j’ai fait à la coupe, mais le pied de col est légèrement asymétrique. Comme, je le porte systématiquement ouvert, cela ne se voit pas.

Voulant préserver la légèreté du voile, je n’ai pas entoilé le col et le pied de col…une erreur de plus à mon sens : j’aurais très bien pu utiliser de l’entoilage TR1 ou DS1 de chez Stragier ou un entoilage très léger et fluide de chez Viseline (je suis désolée je ne me souviens plus de la référence exacte). Cela n’aurait pas trop empesé le col, mais lui aurait donné la tenue qu’il lui manque.

Je crois que j’en ai fini avec les bourdes (à dire vrai…j’en oublie sûrement : à la fin je n’arrivais même plus à faire mes boutonnières correctement).

Passons à la seule modification que j’ai  faite pour adapter ce patron à une grossesse, ou plus précisément aux sept premiers mois d’une grossesse : initialement, Murmure est un chemise asymétrique. Le devant s’arrête juste en dessous de la ligne de taille alors que le derrière (dont j’ai gardé la longueur originale) s’arrête sous les fesses.  C’est assez clair sur les photos portées que vous pouvez voir ici. Afin de pouvoir y loger mon ballon de baudruche, j’ai donc allongé le devant sur le modèle du derrière. À la réflexion, j’aime beaucoup le côté chemise/tunique d’artiste que cela donne à l’ensemble.

Ce n’est donc pas une modification trop compliquée et je ne sais pas jusqu’à quand cette chemise sera portable. Pour l’instant, on ne peut pas franchement parler de rondeur au niveau du ventre…donc il m’est difficile de me projeter.

Je suis très sensible aux manches tombantes de cette chemise : c’est un détail qui me plaît beaucoup et qui vient s’ajouter aux fronces dans le dos…ces deux détails permettent à la coupe ample du patron d’être aérienne, nonchalante et féminine. J’imagine qu’une version en soie ou en dans une jolie viscose peuvent être magnifiques. Il me semble en avoir aperçu sur Instagram…

En vous écrivant, je me rends compte que j’ai oublié de vous photographier les poignets de manche : la patte de boutonnage aux poignets est simple à poser et demande moins de précision qu’une patte capucin classique : pour celles et ceux qui ont cousu la blouse Carme de Pauline Alice , le système est le même, il s’agit de créer une sorte de biais autour de la fente d’ouverture des manches.

Le tissu m’a été gentiment été offert par Motif Personnel à l’occasion d’un test. Afin de vous donner mon opinion le plus objectivement possible, j’ai donc « testé » (et presque maltraité) ce joli voile de poly-coton. Il a été prélavé avant couture et découpe comme d’habitude…je ne pourrais pas vous dire s’il a rétréci au prélavage, c’est un point que je ne vérifie pas parce qu’il me semble normal qu’un tissu contenant beaucoup de coton rétrécisse au premier lavage. En revanche, je l’ai aussi passé au lave-linge deux ou trois fois après couture, et j’ai même utilisé le sèche-linge (ce que je n’aime pas trop faire pour les chemises). Le voile n’a pas bougé, l’impression non plus.  J’ai porté la chemise toute la journée avant de la prendre en photos afin que vous puissiez vous rendre compte du degré de « froissage ». Je couds habituellement assez peu de de voile parce que je trouve que cela se froisse trop. Je ne vais pas vous mentir, ce tissu peut se froisser un peu, mais la composition mixte polyester/coton est quand même diablement efficace…comme vous pouvez le voir sur les photos, cela reste très très acceptable après une journée portée, assise.

Dernier point : la présence de polyester peut parfois accentuer la sudation…là, malgré la canicule, cela n’a pas du tout été le cas, signe de la qualité du polyester employé. Bref, à mon goût c’est un sans faute. Quant à l’association motif/ voile de coton, en l’espèce elle me semble aller de soi, non?

Petit conseil de couture si vous débutez…je me souviens que le voile de coton était l’un des tissus qui me terrorisait le plus quand j’ai commencé à coudre : la machine faisait un drôle de bruit et inévitablement le tissu finissait dans les griffes d’entraînement. Une solution toute simple consiste à utiliser une aiguille adaptée (60 ou 70), le problème devrait tout de suite cesser.

Pour découvrir le tissu en bleu roi, allez voir le magnifique kimono de Joviana. Et chez Lily et Sam, vous pourrez admirer une tunique « moelleux » (tiens donc, comme c’est étonnant) couleur  framboise écrasée.

Quel que soit le talent du photographe, il me semble que la vidéo est dans le cas présent plus adaptée pour rendre justice à un tissu si léger et à un modèle si nonchalant. C’est une association qui est plus jolie en mouvement. Vous trouverez donc en fin d’article un montage réalisé à partir de quelques prises de vue dans le parc de Saint-Cloud. Et le vidéaste étant la même personne que le photographe, je le remercie tout aussi chaleureusement (merci Papa, alias « Patrice Coton »)

Le nécessaire

Merci beaucoup pour les messages de sympathie reçus cet été à de multiples occasions. Je prends enfin le temps de répondre, mais j’ai vraiment été touchée par votre chaleur, votre gentillesse et la façon délicate que vous aviez de prendre des nouvelles quand je n’en donnais pas. Je vous souhaite une très belle rentrée. Je l’espère pleine d’à-venir et d’averses riantes quand l’automne viendra.

Cet article Chemise # 6 : comme un nouveau souffle, Murmure est un contenu original par Annie Coton.